22 mars 2015

Insomnie

Bonjour,


J'ai cru que j'allais m'endormir, rapidement, sans effort. Un peu de lecture, et puis on éteint , le noir enveloppant tout, je ferme les yeux. Comme toujours, exercice de respiration qui me semble hypnotique. Un, j'inspire, deux j'expire. Cela suffit. D'habitude. Pas cette nuit. J'essaie de ne penser à rien. Surtout ne pas penser. Finalement, je pense, à ne pas penser. Etrange. L'heure défile. Voilà minuit. Et puis passe une heure, et encore une. 

Deux heures du matin. Je le sais, je ne dormirais pas cette nuit, où alors juste une heure, celle avant que le réveil ne sonne. J'ai passé mon heure sans m'en rendre compte. Trop de lecture, trop de pression, de stress ? Va savoir. Je ne dormirais pas cette nuit. Encore une, ce n'est que la troisième cette semaine. On s'y fait, parfois. La nuit va s'ouvrir à moi et avec elle les rêves et les cauchemar du passé, ceux du futur aussi. Confusion extrême dû à ce noir total.

C'est vers trois heures que tout commence vraiment. Alors que jusque là, j'ai essayé de me bercer avec les bruits de la nuit, ceux des voitures qui passent en trombe dans la rue, ceux de la grenouille de Poupette qui semble carillonner dès qu'elle bouge, ceux de la respiration de chéri, voilà mon cerveau qui prend le relais. J'oublie la poésie de la vie nocturne et des sons qui l'envahissent. La nuit, mon esprit tourne et retourne ce qu'il a pu se passer la journée. Je la revois défiler nettement devant mes yeux. Le café du matin, les gens croisés dans la rue, le boulot, ce coup de téléphone qui ne m'a pas plu, le moment où je n'ai su quoi répondre. Sentiment de culpabilité. De mal-être aussi. J'aurais du, j'aurais pu. Remords en boucle. Même de nuit. Et parfois, touche de lumière, j'ai fait, j'ai pu. Fierté qui parait déplacer par rapport au reste.

Quatre heures et mes pensées vont vers les évènements lointains, la vie d'avant. C'est à lui que je pense, parce que je l'ai croisé il y a peu. Le premier amour, du moins, c'est ce que je pensais à l'époque. Juste un souvenir maintenant qui fait un peu mal. Il revient souvent la nuit. Même lorsque je ne demande rien. Même lorsque tout va pour le mieux entre Chéri et moi. Pourquoi ? Un souvenir fugace qui ne veut pas s'en aller.  Une envie, peut-être, de retourner à l'enfance, à ce monde où les vertiges étaient plus grands mais tellement moins flippant. Première déception, première fois où l'on se dit qu'on aurait du. Mais en même temps, je n'ai rien fait. Et j'aime ma vie de maintenant, j'aime mon homme. Et si ? La valse de ces deux lettres commencent. S-I. Qui n'a jamais rêvé de mettre Paris en bouteille, même éveillé ?

Quatre heures et quarante et une minute, le voila repartit, loin de moi et de mon présent. De lui, je suis passée à autre chose, pas plus glorieux dans ma tête. La nuit éveille les douleurs du passé. Celles qu'on préfére garder enterrer au fond du jardin de l'esprit. Elle nous met face à nous-même. A nos erreurs et à nos peurs. Le monstre sous le lit attend cette heure-là pour sortir enfin. Pour nous effrayer même adulte. C'est dur de se revoir enfant avec déjà une douleur au fond du ventre. La nuit nous éveille à nous-même. Voilà ce que nous sommes réellement lorsqu'elle embrasse le monde. Le Marchand de Sable est un psychologue en réalité. Un de comptoir.

Cinq heures, et avec elle le futur qui apparait soudain. Je ferais bien ceci ou cela. Tiens, une idée de dessin, une autre de texte. L'imaginaire reprend sa place. Les douleurs du passé le remplisse pourtant. Je suis là, couchée dans un lit qui ne veut toujours pas m'accueillir, Chéri ronflant doucement à mes côtés, parti dans le pays des rêves. J'imagine un monde en noir et blanc. Plus de noir que de blanc, d'ailleurs. La nuit m'englobe et ne veut pas me relâcher. Il faut que je me souvienne de ce à quoi je pense. L'écrire dès le matin, dès que le réveil sonne. Et plus j'y pense, moins je dors. Cycle infernal. Je finis par me lever. J'enfile mon manteau par dessus mon mon t-shirt, un leggins sur mes jambes. Je sors.

Cinq heures et dix minutes, la rue est vide. Pas un bruit, même plus celui des voitures. L'aube n'est pas encore là et la lumière des lampadaires m'aveugle. Elle me cache les étoiles. Je voudrais bien repartir vivre en campagne, rien que pour voir les étoiles. Elles sont le guide du voyageur perdu. N'est-ce pas ce qu'est l'insomniaque. Perdu dans une étendue de noir, perdu dans ses pensées. Je fumes ma clope, anti-stress qui n'en ai pas un. Le mal pour le bien. Je suis persuadée qu'elle m'aide à me calmer. Erreur. 

Cinq heures et quinze minutes, me revoilà dans le lit, avec moins de place. Chéri s'étale dès que j'en sors. Je ferme à nouveau les yeux, persuadée, qu'enfin, je vais dormir. Nouvelle erreur. Le sommeil ne vient toujours pas. Les ombres de la nuit, si. Et avec elles les songes plus ou moins cousus. Il parait que les nuits sont plus belles que les jours. Peut-être. Pas cette fois. J'ai mal à en avoir envie de vomir. Tout remonte et ce n'est pas du bonheur. Depuis combien de temps suis-je là à ressasser sans cesse les erreurs du passé ? Un jour, pourrais-je ne voir que le bonheur qui m'entoure ? Peut-être. Oui. Surement. Pas cette nuit en tout cas.

Finalement six heures et cinq minutes, le réveil de Chéri sonne à m'en vriller les oreilles. Dommage, j'avais enfin réussi à trouver celui qui m'échappe depuis le début de la nuit. Ce sera pour une autre fois. Une autre nuit.

Je ne sais pas si c'est ma lecture du moment, Petit éloge à la Nuit d'Ingrid Astier ou autre chose qui fait que je dors moins bien depuis quelques nuits et surtout qui m'a donné envie d'écrire ce texte-là. Je ressasse beaucoup de chose, des bonnes et des moins bonnes. Forcément, vu mon caractère, je ne garde que le pire.  Mais c'est aussi l'occasion de recommencer à écrire des petits textes pour le blog, parce que ça me manquait de ne pas en mettre. Alors oui, certains auront forcément une part d'autobiographie (celui-ci par exemple), d'autre non. En espérant que cela te plaise.

Photo par DOUG PERRINE

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