20 novembre 2014

Le petit café du matin

Bonjour,



Je ne suis pas quelqu'un qui aime les rituels, pas vraiment. J'aime bien le changement, en fait, pouvoir faire preuve d'initiative, d’originalité, surprendre. Et pourtant, il faut que je lise, ne serait-ce que quelques pages le soir avant de dormir, que j’exécute le rituel du soir de Poupette ou encore que j'aille boire mon café au bar, toujours le même, avant d'aller travailler, le matin.

Depuis que je suis lycéenne, je vais dans le même bar. Au début, c'était parce que P. (le mari de maman) y allait et que comme c'était lui qui me déposait au lycée, je le suivais, pas vraiment le choix, en fait. L'habitude s'est installée jusqu'à ce que je quitte la maison pour Nîmes, puis pour Bordeaux et qu'enfin je revienne. Au début, j'y allais de temps en temps, comme ça, et puis maintenant, j'y vais tous les jours. 

Je dis bonjour à la volée, sourire aux lèvres. Je mets mon manteau sur le porte manteau, comme à la maison. Je m'installe presque toujours au comptoir, sur ces tabourets hauts qui me font paraitre plus grande. Je commande mon café, toujours servie dans une tasse rose, parce que ça met de bonne humeur et que bon, je reste une jeune fille pour D., qui me connait depuis si longtemps. Souvent, je prends aussi un croissant. Je sors ma lecture. Entre temps, j'ai serré la main à deux personnes, fait la bise à une autre. Je souris toujours. J'aime être dans ce bar là, à l'ambiance conviviale le matin, avec des gens que j'ai l'impression de connaitre depuis toujours alors que pour la plupart, je ne sais même comment ils s’appellent. J'ai perdu petit à petit mon surnom, la façon dont les gens me voyaient. Je ne suis pas "la petite", je ne suis plus "la fille de P.". Je suis devenue moi et la plupart m'appelle par mon prénom.

Et puis, tout en lisant, j'écoute. J'écoute les rumeurs, ce que les gens autour de moi pensent du monde qui nous entoure, des dernières informations, de ce que raconte le journal, de leur vie aussi, parfois trépidante, parfois ennuyeuse. J'écoute celui qui psychanalyse son camarade de comptoir, qui sort des banalités à faire pleurer, j'écoute celui qui trouve que le monde part en cacahouète mais que parfois, il se passe tout de même des choses bien. Je ris avec eux, souvent, je prends part parfois, donnant mon avis, aidant les gens peut-être un peu. 

Je me sens bien, le matin, devant cette tasse rose. J'ai souvent l'impression de faire partie de quelques privilégiés, ceux qui se lèvent tôt et qui partage leur vision du monde, encore vierge des opinions des autres. Comme si je faisais partie d'une famille un peu particulière de personnes qui en dehors de ce bar, ne se côtoie pas forcement.

Je repars généralement toujours à la même heure, affronter ma journée de travail. Sur le bout de chemin, juste deux rues qui me séparent du bar et du bureau, je me sens d'humeur joyeuse. D'attaque pour une journée qui pourrait être épuisante. Et chaque matin, je recommence. Comme un rituel.

Source image : Trottermag.com

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